La BÉRARDIÉRE

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L’histoire de La Bérardière remonte au néolithique. Juste à côté de l’étang, qui est alimenté par plusieurs sources, il y a un petit oratoire dédié à la Sainte Vierge. Si on le regarde bien, on s’aperçoit que c’est en réalité un dolmen, ce qui montre que cette source d’eau avait déjà attiré un peuplement. La route de Tinchebray à Domfront était une voie romaine qui allait de Vieux à Jublains.

        Moyen-Age
  L’histoire connue remonte au début du 15 siècle. Il semble qu’un certain Aveline Le Maignan, sieur de la Bérardière, avait fait bâtir ici une gentilhommière modeste, dont subsiste sans doute un mur d’enceinte et des restes de fossé de défenses au fond du jardin à l’Est. Aveline Le Maignan, partisan des Anglais pendant la Guerre de Cent Ans, combattit dans leurs rangs. Il fut tué en 1459, et ses biens furent confisqués par « déclaration royale » de Charles VII. La seigneurie proprement dite fut donnée en récompense à un sieur du Hamel, qui la revendit peu après à un sieur de Valjouas (ou Vaugeois). En 1461, sous Louis XI, la Bérardière entre dans la famille de Jehan Roussel, qui épouse Augustine Hallé, dame de la Bérardière, et sera transmise par voie d’héritage jusqu’à aujourd’hui. Les armoiries des Hallé (« d’argent aux trèfles de sinople posés 2 et 1 ») seront reprises par les Roussel, qui ajouteront le  « cœur de gueules en abîme » au 17e siècle .


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Armoiries de la famille Roussel au-dessus de la porte d'entéee de la chapelle
 

 
         Aux 15e et 16e siècles, les Roussel firent construire un manoir fortifié dont il reste une tour, entre le manoir et l’étang, et devenu par la suite la librairie de M.de Roussel au 18e siècle. On ne sait pas très bien comment étaient disposés les vieux bâtiments. Il semble qu’en face du pavillon des archives, il s’en élevait un autre plus important de l’autre côté, et on pense que le pignon à l’est du manoir actuel est tout ce qui reste du manoir de la Bérardière au 15e siècle. L’arche qui subsiste près du pavillon montre que la porte d’entrée était orientée au nord et non au sud comme aujourd’hui.
  XVIe Siècle
  L’époque de la Renaissance ne fut manifestement pas très faste pour les Roussel, et on connait peu de choses de cette période. Il y a beaucoup de documents de cette période dans les archives de la Bérardière, mais ils sont très difficiles à déchiffrer.
Il semble que la renommée des Roussel, qui figurait au 15e siècle au bas de l’échelle de la noblesse de robe, ne dépassa guère la Normandie. Mathurin Roussel prit sa retraite comme capitaine des archers du duc d’Alençon, et mourut assassiné en 1542 par un voisin, qui fut lui-même pendu. A la fin du 16e siècle, Michel Roussel cultivait lui-même les terres de la Bérardière.

XVIIe Siècle
  A la mort de Michel Roussel en 1615, le manoir, un peu délabré, fut transmis à son neveu Charles de Roussel – le premier à porter la particule – avocat au grand conseil du parlement de Normandie.  Il envisagea de reconstruire la Bérardière, mais, reculant devant la dépense, se contenta de restaurer le pavillon des archives et de le rendre habitable, suivant les normes de l’époque. La cheminée porte le nom de sa jeune femme (« Françoise Coignard me fecit 1635 »). Charles mourut à Rouen en 1642, laissant trois fils, et sa femme se remaria. C’est le dernier-né, Jacques, qui hérita de la Bérardière.
Jacques, avocat au parlement de Rouen, avait  épousé Jacqueline Riboullé, qui appartenait à une riche famille de robe du Mans. Il avait eu à plaider, notamment, dans un fameux et curieux procès en sorcellerie, dite « affaire des sorciers de la Haye-du-puits », au cours duquel un ordre royal de Louis XIV vint suspendre les poursuites.
Jacques s’établit à Domfront, où il cumula les charges de conseiller du roi, lieutenant criminel, premier électeur en l’élection de Domfront, et contrôleur des tailles. Il acheta une maison à Domfront, où il résidait en hiver, et passait l’été à la Bérardière. C’est aux alentours de 1660  qu’on pense que le manoir fut à moitié détruit par un incendie.
Jacques de Roussel  fit construire le manoir actuel en 1697, c'est-à-dire le corps de bâtiment principal, la cour d’honneur et les deux pavillons d’entrée. Il l’orienta au Sud probablement pour pouvoir tracer une avenue rectiligne, bordée de hêtres et de châtaigniers, selon l’usage du temps. Les croquis de l’architecte sont encore visibles à la Bérardière bien qu’assez abimés par le temps.
 
  XVIIIe Siècle
  En 1750, Henriette de Roussel, née de Louvagny, dont un portrait existe à la Bérardière (ci-contre), fit construire la chapelle au fond du jardin en l’honneur de sa fille unique morte en couches peu de temps auparavant. Elle dédia la chapelle à Saint François-Xavier, ce qui est très étonnant, car Saint François-Xavier, jésuite missionnaire en Chine, était peu vénéré dans le pays bas-normand. La chapelle figure sur les registres de l’évêché de Sées.

 La Révolution
         Comme partout en France, l’époque de la Révolution est trouble pour la Bérardière. François-Henri de Roussel (ci-contre), son propriétaire d’alors, qui était avocat et professeur honoraire à l’Université de Mantoue en Italie ( !) est inquiété par les révolutionnaires. Il se réfugie à Caen, perd sa fortune, et commence à vivoter de ses portraits au crayon qu’il vend à ses amis. Il y en a encore beaucoup de ses œuvres à la Bérardière, notamment les peintures murales du grand salon. La chouannerie se développe dans le pays, sous le commandement de Louis de Frotté et de Michelot Moulin. En 1796, La Bérardière, qui est quasiment à l’abandon, devient l’espace de quelques jours le quartier général des chouans. C’est dans le salon de la Bérardière, l’actuelle salle à manger, que quelque temps plus tard le général Guidal   donnera un sauf-conduit devant permettre à Louis de Frotté de se rendre à Verneuil-sur-Avre pour négocier une trêve.
Bonaparte le fit fusiller dès son arrivée, décapitant ainsi les chouans de Normandie.

  XIXe Siècle
  En 1800, La Bérardière passa aux mains de la famille Bidard. François-Henri de Roussel avait une fille naturelle  qu’il reconnaitra le jour de son mariage avec Bidard de la Thériére Julien Anne étudiant en médecine à Caen, il sera maire de Saint Bômer, Sophie et Georges  deux de leurs enfants seront des donateurs à la commune de St Bômer (1) Ainsi pendant tout le 19e siècle, la Bérardière fut la maison des docteurs Bidard, apparemment médecins de père en fils.  C’est pourquoi on trouve à la Bérardière quantité de livres de médecine du 16 e, 17 e, 18 e et 19 e siècle.
C’est une riche patiente du dernier docteur Bidard qui lui fit don de l’autel en bois doré du 17e siècle qui est dans la chapelle, et qui est classé Monument Historique. On pense en effet qu’il a appartenu au duc du Maine, le fils illégitime de Louis XIV et de Mme de Montespan.
En effet, la table de l’autel présente une grande croix de l’ordre du Saint-Esprit (l’équivalent de notre Légion d’Honneur sous l’ancien régime), et le duc du Maine était le Grand-Maître de l’ordre.
 
  XXe Siècle
  En 1910, le dernier docteur Bidard meurt sans postérité, et fait de son ami Georges Roulleaux Dugage, de Lyvonnières à Rouellé, son légataire, et c’est ainsi que la Bérardière passe aux mains de la famille Roulleaux Dugage.
 
Georges Roulleaux Dugage, de Lyvonnières à Rouellé, député de l’Orne, fait agrandir la maison en lui ajoutant une aile en retour, et en construisant une demi-tour octogonale sur la façade Nord. Il fait refaire les parquets et carrelages du grand salon, sur un dessin original de lui. Il peint avec sa jeune épouse (Marie de Goulaine) les fresques du petit salon de musique, et fait construire les communs dans la petite cour. Les travaux sont interrompus pendant la première guerre mondiale, au cours de laquelle Georges Roulleaux Dugage, qui parle couramment anglais et allemand, est enrôlé dans l’armée britannique. Les travaux reprennent après la guerre et ne sont terminés qu’au début des années 1920. Jusqu’en 1939, Georges Roulleaux Dugage embellira la maison et son jardin à la française.
 Au cours de la deuxième guerre mondiale, la Bérardière est épargnée. Les Allemands ne s’y installent pas. Le curé de Saint-Bômer l’avait d’ailleurs prophétisé en concluant une messe célébrée à la chapelle de la Bérardière en Juin 1940 par : « les boches ne viendront pas ici.» En 1944, Mme Roulleaux Dugage propose la Bérardière pour désengorger l’hôpital de *sont nés. C’est sans doute une des raisons pour laquelle la maison n’a pas eu a souffrir des violents échanges de tirs d’artillerie entre Allemands et Américains au-dessus de la maison en Aout 1944.
  Henri-Jean Roulleaux Dugage, fils ainé de Georges Roulleaux Dugage, officier de marine, hérite de la Bérardière à la mort de son père en 1953 alors qu’il se prépare à partir combattre en Indochine. La maison est alors en mauvais état, et il consacre beaucoup de temps et d’énergie à la restaurer tout au long de sa vie. Mais peu après Pâques 1972, un incendie se déclare dans son bureau de travail et s’étend à la pièce au-dessus. Grâce à la rapidité de réaction de Louis Lemoine et de sa famille, qui habitaient alors l’un des pavillons d’entrée, les pompiers arrivent juste à temps avant que l’incendie ne s’étende à la cage d’escalier. Cinq minutes plus tard, et on ne parlait plus de la Bérardière…Lors de cet incendie, les archives de la famille sont en grande partie détruites. D’importants travaux sont alors engagés par Henri-Jean  Roulleaux Dugage pour restaurer la Bérardière, et pour en faire un lieu accueillant. Il fait classer la maison à l’ISMH en 1975, et replante l’avenue telle qu’elle était au 17e siècle après la tempête de 1999.
  
 

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